Des textes troublés d'émotion authentique, une langue chantournée, un flow bouillonnant. Voici George Ka, dont le premier EP, Par avance, présente un slam écrit sur du papier brûlant avec une plume trempée dans un métal rare, celui de la révolution intime. La parisienne de 25 ans baroude ainsi du pays de ses racines vietnamiennes (Saïgon) à celui de son enfance (Garçon manqué, fille manquante), dans une tombée de rimes choisies et de brumes urbaines. L'occasion de la soumettre à l'interview Roulette Ruse. Une appli, des numéros tirés en aléatoire, chacun correspondant à une question.
1. Une histoire derrière votre nom d’artiste?
Le Ka renvoie à Camille, mon prénom. Et George, car c'est le surnom que ma soeur me donne depuis que je suis toute petite, cela vient de Georges et Marco, les deux frères du Combat ordinaire, la bédé de Manu Larcenet. Je l’ai choisi parce que dans les open mic, on incitait à faire la claque aux filles, rares dans le slam, et je voulais arriver d'une façon anonyme.
23. Le livre lu et relu ?
Gamine, je dévorais les nouvelles pour adultes archi glauques de Roald Dahl, cela me fascinait qu’il arrive à décrire l’être humain sous autant de coutures, et parfois avec ses plus horribles perversions, dans un format aussi court. Et plus récemment, les romans de Paul Auster et Mathias Enard, qui incitent à suivre des personnages sur tout un itinéraire, tellement précis dans sa description. Et encore Alice Zenitzer, dont L’Art de perdre et sa façon empathique de parler d'une diaspora à travers des parcours individuels, ce que j’ai essayé d'insuffler dans ma chanson Saïgon.
15. Votre côté garçon manqué?
C'est le sujet de Garçon manqué, fille manquante. J’ai beaucoup fait de sport, enfant, de l’escalade avec mon père, je traînais énormément avec des garçons, et j’étais fière à l’époque de ne pas être considérée comme une fille frêle, sans me rendre compte à cet âge que garçon manqué était une étiquette qui n’avait pas lieu d’être, et une sorte de sexisme intériorisé. J’en ai fait une chanson pour poser des questions et permette à d’autres de s’identifier.
8. Vous souvenez-vous de votre premier cachet?
Oui, j’ai d’ailleurs gardé le bracelet du concert qui donnait accès aux back-stages, le cachet devait ressembler à un sandwich et à une bière au bar.
27. L’époque de la musique que vous préférez?
A l’adolescence, j’ai beaucoup aimé Lykke Li. Je reviens souvent à l’indie pop des années 2000, quand je suis triste ou quand j’ai envie de danser seule.
12. Une artiste qui vous a particulièrement marquée?
J’ai une fascination pour Dalida, sa capacité d’interprétation est brûlante de puissance et d’énergie.
5. D’où naît votre inspiration?
Elle naît de scènes de la vie intime. L’écriture permet de traduire les émotions, l’inconfort, l’enthousiasme, la joie... Je viens d’avantage de l’écriture que de la musique, j’ai toujours été une grande lectrice et j’ai aimé dans la scène slam, cette façon d'amener des émotions dans des anecdotes parfois originales qui parlent à tous. J’ai fait mes premiers pas, suite à un évènement Facebook, avec Saïgon, un texte qui était au départ prévu pour la voix off d’un court-métrage, un texte très intime sur les origines et la double culture.
36. La musique que l’on écoutait à la maison?
Ma grande soeur qui a dix ans de plus que moi, m’a fait découvrir Björk, Missy Elliott, Brassens, Brel… Ma mère était une inconditionnelle de David Bowie mais elle a mis du temps à nous faire partager sa passion, on en a pris conscience, quand elle est restée silencieuse trois jours après avoir appris sa mort. Pour elle et dans son rapport à son identité, Bowie a été une source d’inspiration, une façon de s’affranchir des attentes et du regard des autres.
22. Un héros d’enfance?
Princesse Mononoké, de Hayao Miyazaki j’ai vu la cassette une centaine de fois. Je m’identifiais à cette héroïne complexe, toujours en première ligne, qui portait une violence en elle. Ma chanson Mononoké est adressée à ma nièce, pour lui donner de la force et la fierté d'être la personne que l'on est..
30. Le disque qui vous a bousculée?
Concernant la question du métissage, Pili-Pili sur un croissant au beurre, dans lequel Gaël Faye décrit le tiraillement entre la grande fierté et le doute que peut apporter une double culture. Gaël Faye, et cet album en particulier, ont été déterminants pour moi, j’ai même l’impression que cela m’a poussée à observer cette double culture pour moi.
16. La chanson que vous chantait votre maman?
Elle me chantait une berceuse vietnamienne qu’elle connaissait phonétiquement mais dont elle en ignorait le sens. Elle a appris bien plus tard, c’était une sorte de chant de guerre.
EP: Par avance (Excuse my French/George Ka)
Ma tante d’amour ta Chanson me donne tu courage tout les jours continue comme ça je lâche rien t la meilleure tout le monde t’aime moi la première