Les ombres, les reflets, les doubles sillonnent les labyrinthes d'émotions déclamées par Léo Lalanne dans son premier Allen (comme Allen Ginsberg). 27 ans, vendéen, auteur poétique à la plume aérienne, lascive et vaporeuse, Léo, est passé par Londres, le journalisme (mode, musique), l'écriture de nouvelles (The Short deconstruction of love) et le court-métrage (Spells of deconstruction). C'est dire si cet Allen, produit par Apollo Noir, est dense, et danse aussi, danse des sens, danse narcissique, danse avec l'autre, menée par un astre noir de la pop. Un artiste volontaire, songeur, désolé, bagarreur et engagé - ainsi le morceau Caïds qui questionne la virilité et l'homophobie. Ou Dévêtu sur la fuite du temps et la quête de sens. L'occasion de le soumettre à l'interview Roulette Ruse.
1. Ce que la musique a révélé de vous et en vous?
La musique est salvatrice, elle transcende les mots, elle habite les performances, c’est un médium qui m’a révélé. Je l’ai toujours rêvé, sans envisager une seule seconde me l’accorder. La musique, avant mon arrivée sur Paris il y a deux ans, était comme un désir qui m’habiterait toujours mais pour lequel la réalisation semblait impensable. Je me cachais derrière des peurs, qui m’habitent encore d’ailleurs, celles de ne pas être à la hauteur, de ne maîtriser absolument rien du chant au solfège. Je ne trouvais pas ma légitimité, dans un paysage artistique aussi flamboyant qu’effrayant à mes yeux. Aujourd’hui, après deux ans de travail : sur le prélude de l’EP Amort, et l’EP en lui-même, Allen, chaque session de travail, de répétition, d’enregistrement, a son lot de découvertes. Je vois peu à peu ma pudeur, ma timidité s’estomper, je me libère au fil des rencontres, des tentatives, des entraves que j’établissais moi-même face à ce désir de créer musicalement.
18. Une citation qui vous accompagne?
« Le souvenir est le parfum de l’âme » de George Sand. Cette citation m’accompagne de manière assez littérale, puisqu'elle est tatouée sur mon bras droit, reprenant l’écriture de ma mère. Elle symbolise également l’intention de ce premier EP, l’introspection d’un passé qui a forgé mon âme d’aujourd’hui. C'est à Londres que j'ai fait réaliser ce tatouage, là où s'est justement façonnée ma sensibilité.
23. Une ville/un pays inspirant(e)?
Londres est certainement la ville la plus inspirante de mon parcours. Mon arrivée dans la capitale britannique à 18 ans a été comme une renaissance, une réelle libération. Originaire d’un petit village de Vendée, à des kilomètres d'une quelconque forme d’art, ou de différence, je rêvais de Londres. La ville ne s’arrêtait jamais, et moi non plus d’ailleurs, je n’avais de cesse de vouloir découvrir, écrire, créer, danser, faire la fête. J’y ai passé mes plus belles années, mais aussi les plus sombres. Je testais continuellement mes limites, tout était à vivre dans les extrêmes sans aucune demi-mesure. Londres a laissé l’artiste se révéler, mais a également éclairé mes blessures les plus profondes. Londres est également un des titres d’Allen.
8. L’époque de la musique que vous préférez?
Les années 1980, les années Kate Bush. J’aurais tant aimé vivre ma vingtaine à cette époque-là, à Londres, secouer ma tignasse bouclée sur Running Up That Hill (A Deal With God), Cloudbusting ou encore Houds Of Love , tout en m’insurgeant contre Thatcher, le poing levé et une Magners dans l’autre main.
36. Est-ce que l’on vous connaît à 100% en écoutant vos chansons?
Oui, je suppose, mais pas complètement. Mon vécu reste plutôt universel, même si j'en dis beaucoup, certainement suffisamment. Il y a une part d’intime dans les textes qui est essentielle, elle est à l’origine d’une chanson, d’un poème mais elle ne reste que suggérée, ce n’est qu’un point de départ.
16. Un film/un livre de chevet?
J’ai commencé il y a quelques jours le Journal d’Allen Ginsberg (1952-1962), cette période où le poète américain de la Beat Generation n’a encore rien publié. On est plongé dans son errance et ses interrogations, on y décèle les origines de son écriture. Être au plus près de son quotidien, à cette période de sa vie est passionnant. C’est un poète que j’admire profondément, le titre Allen est d’ailleurs un hommage à l’artiste, mais aussi une reprise en français de Song, un de ses premiers poèmes tiré de Howl and Other Poems.
2. Un écrivain/un poète que vous aimeriez mettre en musique
Un poème d’E.E. Cummings, et plus précisément ce passage de Selected Poems 1923-1958, de loin l’une des plus belles odes à l’être aimé. « Now I love you and you love me (and books are shuter than books can be) and deep in the high that does nothing but fall (with a shout each around we go all) there’s somebody calling who’s we we’re anything brighter than even the sun (we’re everything greater than books might mean)/we’re everyanything more than believe (with a spin leap alive we’re alive)/ we’re wonderful one times one »
15. Un modèle?
Jean Cocteau, pour tout ce qui le définit en tant qu’artiste : sa pluralité, son avant-gardisme, son excellence et justesse, son onirisme, son humour et j’en passe.
29. Une chanson d’un autre chanteur qui vous ressemble?
J’ai récemment découvert Long Island de Swan Melani, ce titre m’a touché dès les premières secondes, j'ai ressenti la même sensation que lorsque j'ai découvert Antony and the Johnsons. Je me retrouve dans ses maux, et malgré l’obscurité, il y a une certaine lumière qui transcende la mélancolie évoquée. Swan Melani a une singularité et un lyrisme à lui, quelque chose d’unique.
EP: Allen (17/04)
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